Pour la sortie de son nouveau roman, Anaïs Guiraud nous livre un témoignage inédit sur les coulisses de son écriture et nous plonge dans l’univers qui la passionne… la civilisation minoenne.
Elle nous partage son inspiration, ses recherches et la manière dont elle construit ses personnages au cœur d’une civilisation fascinante.

« C’est lors d’un de mes voyages en Crète, entre le soleil écrasant, le bleu cobalt de la méditerranée et les ruines fantastiques des palais Minoens qu’est née l’envie d’écrire sur cette éblouissante civilisation de l’âge du bronze. À la fois populaire, en raison des reconstructions problématiques effectuées par Arthur Evans, le découvreur de Knossos, et mystérieuse (la majeure partie du fonctionnement social des minoens demeure dans l’ombre en raison de l’absence de déchiffrement du linéaire A), cette civilisation attise l’imagination. Il n’y a qu’à se rendre dans les galeries du musée archéologique d’Héraklion pour y contempler les trésors que ce peuple nous a laissés : rhyton ouvragé en cristal de roche, bijoux en or fin, poteries au décor marin d’une finesse inégalée, statuettes, fresques d’une réalité saisissante… sans oublier le fabuleux disque de Phaistos. »

Les Nuits de Knossos d’Anaïs Guiraud
« Comme à mon habitude, les recherches ont d’abord guidé ma prise de possession du sujet, et, tout de suite, l’un des axes principaux m’a sauté aux yeux. Il est clair, devant leurs fresques millénaires et leur production artistique en général, que les minoens étaient proches de la nature et que la culture comme la religion était, avec une marge d’erreur raisonnable, dominée par les femmes. L’échantillon de représentations qui nous est parvenu, du palais de Knossos à la cité engloutie d’Akrotiri sur l’île de Santorin, suggère fortement que les femmes, et plus spécifiquement les femmes d’âge moyen, occupaient des positions de pouvoir, cérémoniel ou d’autorité publique : femmes en bleu, fresque dite de la Parisienne, cueilleuses de safran, de pavot, grande mère des animaux, cérémonie du bosquet sacré… La richesse de leurs parures, leurs cheveux, leurs vêtements colorés et élégants renforcent cette impression de puissance, là où les hommes sont représentés le plus souvent torse nu, arborant peu de bijoux et exerçant des activités plus physiques : pèche, boxe, jeux taurins… »

Alors, l’existence d’un matriarcat minoen constitue-t-elle une réalité historique plausible ?
« Depuis les années 70 et notamment suite aux travaux de Marija Gimbutas, anthropologue et archéologue américaine, on a beaucoup glosé sur l’existence d’un matriarcat « des origines » (soit une société dans laquelle le pouvoir appartient uniquement aux femmes) en opposition à la société capitaliste patriarcale antique, puis moderne.
Ne souhaitant pas que mes convictions personnelles l’emportent sur ma rigueur, et munie de mon précieux rasoir d’Ockham, je me suis plongée dans les sources, tant archéologiques que sociologiques, et suis arrivée au choix de la colonne vertébrale de mon récit : une société matricentrée (soit dans laquelle la transmission se fait par lignée féminine). Des prêtresses et des matriarches, une classe dirigeante riche d’hommes comme de femmes, une économie tournée vers la nature et la domination de la mer. Tout cela devait apparaître, non comme la toile de fond de l’histoire des personnages, mais comme l’origine de leur caractère propre. Ariadne comme Kleto, agissent comme ils le font en raison de la société dans laquelle ils évoluent. Car les personnages de romans ne peuvent ignorer le monde dans lequel ils vivent, comme s’ils étaient simplement épinglés sur une toile. Tout comme nous, ils sont influencés par de multiples facteurs, sociaux, environnementaux, éducatifs, qui forgent d’abord ce qu’ils sont, avant que, par les caractéristiques propres que nous leur insufflons et par les épreuves dont nous les abreuvons, ils deviennent les héros de leur propre histoire. »
Anaïs Guiraud
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